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Ethno-musicologie (musique rythme et percussion)
7 septembre 2011

Les procédés de superposition dans les musiques de tradition orale

Les procédés de superposition dans les musiques de tradition orale

Sandrine Loncke, 2009

 

 

Lire l’article sur les polyphonies :

 

FERNANDO Nathalie et al. : « Typologie des techniques polyphoniques », in Jean-Jacques Nattiez, dir. : Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle. Vol. V, Arles/Paris : Actes Sud/Cité de la Musique : 1088-1109, 2007.

 

 

Le but de ce cours est d’approfondir la question en l’illustrant d’exemples musicaux, et ce faisant, de tenter de confronter la typologie proposée par l’article à la complexité des formes musicales que l’on trouve sur le terrain.

 

Introduction

 

Il s’agit de se demander, lorsqu’on est en présence, dans une musique, de superposition de parties différentes (vocales et/ou instrumentales), quel est le procédé qui sous-tend leur agencement.

 

Donc de voir les différentes catégories (vocabulaire descriptif de base = terminologie) qui permettent de caractériser les procédés de superposition représentés dans les musiques de tradition orale, dans le but d’une écoute analytique.

 

En s’appuyant sur différents exemples musicaux, pour la plupart empruntés à l’Afrique subsaharienne :

 

- pour la bonne raison qu’on y trouve représentés quasiment tous les types de procédés polyphoniques

(cf. l’Afrique est riche sur le plan rythmique, mais on oublie souvent qu’elle l’est également sur le plan des procédés polyphoniques),

 

- parce que leur comparaison permet un éclairage particulier sur la genèse de ces procédés (quelle pensée les sous-tend : horizontale ou verticale ?) :

= éclairage différent de celui qu’apporte la connaissance des procédés polyphoniques occidentaux

 

- parce que je ne me sens pas capable de vous dresser un tableau représentatif des procédés polyphoniques que l’on trouve par exemple en Asie (mais à ma connaissance, tous les types n’y sont pas représentés), en Europe ou en Amérique, aires culturelles qui ne sont pas mon domaine de spécialisation.

 

Ceci dit, la terminologie que je vais vous présenter ici est évidemment valable en dehors du continent africain :

encore une fois, c’est celle qui fait globalement consensus chez les ethnomusicologues, même si certains points font, là aussi, encore l’objet de débats.

 

Cf. je vous renvoie à la bibliographie, avec notamment :

 

AROM, Simha

1985                Polyphonies et Polyrythmies d'Afrique Centrale : structure et méthodologie, Paris, SELAF, 2 vol.

AROM. Simha & MEYER, Christian (sous la dir.)

1993                Les polyphonies populaires russes, Actes du Colloque de Royaumont 1991, Paris, Créaphis (Association Polyphonies vivantes).

MÉYER, Christian (éd.)

1993                Polyphonies de tradition orale. Histoire et traditions vivantes, Paris, Créaphis (Collection Rencontres à Royaumont).

 

 

1ère chose évidemment à se demander lorsqu’on veut qualifier un procédé de superposition :

le type de formation auquel on a affaire :

 

- formation instrumentale (avec instruments de même type, de tpes différents)

- formation vocale

- formation voco-instrumentale

 

Puis le nombre de parties différentes que l’on arrive à percevoir au sein de la formation :

 

sur le terrain, il peut être nécessaire de les enregistrer séparément pour bien comprendre ce que chacun fait : pour parvenir à dissocier chaque partie.

 

Mais concrètement, il n’est pas toujours évident, dans les musiques de tradition orale, que les gens parviennent à vous jouer intégralement leur partie sans le soutien des autres.

Ou alors, ce qu’on obtient est un pâle modèle de ce que les gens réalisent en réalité de façon variée lorsque l’ensemble est présent.

 

Et puis, en enregistrant séparément chaque partie, on perd précisément la façon dont elles s’imbriquent temporellement les unes par rapport aux autres.

 

La solution serait donc de réaliser des enregistrements hors situation en multi-piste. Mais implique un matériel souvent trop lourd pour le terrain.

 

Autre solution plus simple, mais moins efficace :

déplacer ses micros, pour saisir tour à tour en premier plan les différentes parties, tout en ramassant simultanément en arrière-plan le reste de la formation.

 

 

PETIT RAPPEL TERMINOLOGIQUE :

 

• Lorsqu’on n’a qu’une seule partie — une seule voix —, on parlera simplement de monodie (= une seule mélodie) :

 

- qu’il s’agisse de chant monodique,

- ou du jeu d’un instrument monodique, qui ne permet pas l’exécution simultanée de parties musicales différentes (≠ instruments polyphoniques).

Dans la monodie, il n’y a évidemment pas de superposition.

 

 

• Ensemble choral ou instrumental qui exécute simultanément la même ligne musicale :

Jouer à l’unisson = monophonie (plusieurs voix qui exécutent simultanément une même partie, avec éventuellement un intervalle d’octave entre voix masculines et féminines).

Lorsqu’il s’agit d’un chant choral monophonique sans accompagnement instrumental : 

= a cappella : « à la manière de la chapelle » (cf. en réf. aux chœurs d’église sans accompagnement instrumental). 

Là aussi, pas de procédé de superposition, puisque tout le monde fait la même chose simultanément.

 

 

• Cas qui nous intéresse ici :

lorsque sont jouées simultanément plusieurs parties différentes,

que ce soit sur le plan rythmique et/ou mélodique

= au sens strict, ce qu’on appelle la polyphonie : étym. « plusieurs voix » (≠ monodie, monophonie / unisson).

 

L’historique du terme ds la musique occidentale en fait un terme dont le champ de définition est assez large :

Revenir rapidement sur cette historique paraît nécessaire pour comprendre la distinction que nous allons établir entre « pensée verticale » et « pensée horizontale ».

 

- au départ, le terme « polyphonie » fait réf. à la polyph. médiévale, avec une pensée encore proche de la monophonie (homorythmie et voix parallèles : harmonisées par exemple à la quinte), développée entre les Xè – XIIIè siècles.

 

- puis, le sens va aller en se spécifiant :

 

1. L’idée d'indépendance des voix se dvpe à partir du XIVème siècle :

(parties différentes, sur le plan mélod. comme rythm., exécutées simultanément)

= aboutit à la combinaison de lignes musicales indépendantes, ds le contrepoint de la Renaissance.

 

Mais pensée qui reste encore essentiellement linéaire : les parties se développent les unes par rapport aux autres sur l’axe du tps.

Elles appellent à une écoute horizontale, c’est-à-dire à entendre individuellement plusieurs voix séparées, plutôt que leurs effets combinés verticalement :

 

• Il n’y a pas l’idée d’une mélodie principale et de son accompagnement : toutes les parties sont potentiellement égales et présentent une grande variété rythmique

• De même, l’idée de forme séquençable est relativement floue : puisque lorsqu’une partie cesse, une autre poursuit, empêchant ainsi le partage en sections.

• Enfin, l’idée de tonalité au sens vertical du terme — suite d’enchaînements d’accords qui n’appartiennent pas forcément à la même échelle (si modulation) — n’est pas encore claire : on est encore globalement dans une pensée modale, ou éventuellement dans la superposition de modes différents, mais pas dans des enchaînements de structures harmoniques. 

 

2. L’idée d'une pensée verticale ds la composition, pour produire des structures harmoniques (sous forme de successions d’accords), émerge véritablement au début du XVIIè siècle, entre la période baroque (fin XVIè-mi XVIIIè) et le pré-classicisme.

 

 

Donc « polyphonie » est un terme dont le champ de signification est très large.

 

Dans le domaine des musiques de trad. orale, nécessité conséquente d’identifier des sous-genres :

 

Il apparaît donc pertinent de distinguer deux dimensions de la polyphonie :

- L’axe horizontal = l’axe du déroulement temporel : la façon dont chaque partie se positionne temporellement l’une par rapport à l’autre.

- L’axe vertical = l’axe des superpositions, de la simultanéité.

Cette perspective, qui n’est pas développée précisément dans un article récemment publié sur les procédés polyphoniques (cf. article distribué) permet notamment d’aborder ces procédés du point de vue des principes qui sous-tendent leur genèse.

Elle permet à mon sens de dépasser la simple caractérisation typologique pour comprendre, en termes émiques, comment est conçue la polyphonie : quelle intention la motive et la génère ?

Cf. Faire de la musique ensemble relève de différents modes d’ « être ensemble », qui ne sont pas dépourvus de signification d’un point de vue strictement social.

 

= Problématique qui me mène donc à une classification moins catégorique des genres polyphonies répertoriés dans le monde que celle proposée par l’article, dont la visée est avant tout typologique (établir des « types »). 

 

 

Ière PARTIE — Sur l’axe horizontal :

 

Je vais commencer par un exemple d’agencement des parties qui ne relève pas de la polyphonie a priori, mais qui semble cependant souvent l’engendrer :

= ce qui permet un PETIT RAPPEL :

 

• = mode d’agencement des parties extrêmement répandu dans le monde entier :

que ce soit dans le cadre de formations vocales, instrumentales, ou voco-instr. :

 

1/ Ex. musical : chant des femmes peules jelgoobe du Burkina Faso :

calebasse hémisphérique tenue à hauteur de poitrine et frappée avec doigts bagués.

+ bracelets entrechoqués.

= Chant votif pour la venue de la pluie.

 

= responsorial soliste / choeur, avec reprise à l’identique.

Cf. Ici, la partie répondante reprend la partie exposante quasiment à l’identique (hormi qq variations) :

On entend donc le sens du terme « responsorial » comme un type de formation alternant soliste / chœur ou soliste/soliste.

 

antiphonal : choeur/chœur (alternance constituée de deux ensembles numériquement équilibrés).

R. Ces définitions ne font pas la distinction entre reprise ou répons : elle qualifie seulement la proportion des participants.

 

D’où, autre déf. possible, que l’on trouve parfois dans certains écrits (notamment chez S.Arom) :

-         responsorial = exposition A + répons B.

Répons ≠ reprise : le choeur complète ou répond différemment à la phrase du soliste.

-         antiphonal = exposition A + reprise A ou A’ :

Même segment musical repris intégralement, ou repris de façon quelque peu variée. (2 parties = structurellement identiques)

 

Flous ds la terminologie liés au fait que tous ces concepts ont d’abord servi à définir des formes précises de la musique classique occidentale (ici, la psalmodie religieuse).

Mais comme on l’a vu, la plupart de ces notions ont elles-mêmes subi des glissements de sens au cours de l’histoire, au fur et à mesure de l’évolution des formes musicales occidentales de tradition écrite.

D’où, souvent plusieurs niveaux de sens qui se superposent.

 

Les ethnomusicologues choisissent du coup le sens qui les intéresse en fonction de ce qu’ils souhaitent caractériser… 

 

 

Les procédés d’alternances responsoriale ou antiphonale sont récurrentes dans les musiques de tradition orale : certainement dû au fait qu’elles permettent un mode de participation collectif et un apprentissage aisé :

 

Cf. lorsqu’on ne connaît pas bien un chant, il suffit de se mettre dans l’un des deux chœurs, ou dans la partie chorale qui reprend ou qui répond (cf. le répons est souvent fixe = refrain > forme AB A’B A’’B etc.), pour apprendre le chant de l’intérieur, par la pratique avec les autres. 

 

D’où, procédé récurrent notamment dans les chants festifs : permet à tous d’apprendre in situ, et donc de participer.

 

Il s’agit d’un procédé d’alternance temporelle, où il n’y a, bien sûr,  pas de superposition. 

Mais comme je le disais, ce mode d’alternance favorise très souvent un premier procédé de superposition, induit presque très logiquement par une tendance des deux parties à se recouvrir à leurs extrémités :

= procédé de tuilage (cf. les tuiles d’un toit), qui engendre une superposition ponctuelle.

 

Parfois juste sur la fin de la partie qui expose et le début de la partie répondante : = tuilage très bref.

 

• Mais parfois aussi, le tuilage est systématisé, au point que les voix se recouvrent partiellement sur plus de leur moitié.

2/ Ex. musical : chant de lignage des Peuls Wodaabe du Niger :

 

-         Alternance responsoriale entre deux solistes, avec tuilage ponctuel,

-          Puis une phrase où ils se retrouvent en monophonie (unisson)

-   Puis alternance antiphonale (chœur / chœur) avec un recouvrement des voix plus important.

 

Principe de l’antiphonie ici = la voix répondante entonne sa partie dans les aigus, au moment où la voix exposante achève sa phrase par une descente dans les graves. Génère un recouvrement ou tuilage sur près de la moitié d’une phrase.

 

 

Il est donc possible que ces jeux d’alternance responsoriale ou antiphonale soient à l’origine d’un grand nombre de formes polyphoniques :

Cf. nb types de polyphonies engendrées par l’extension progressive de la partie tuilée, qui aboutit à l’exécution quasi-simultanée des 2 parties. 

 

 

• Un type particulier de superposition qui découle d’un tel jeu de décalage sur l’axe horizontal, temporel, donc d’une pensée horizontale :

Ce qu’on appelle l’imitation :

= Imitation d’une première ligne musicale par une ou plusieurs autres voix, selon un décalage rythmique plus ou moins systématique :

-         différent du tuilage, où le décalage rythmique peut être variable et où il n’y a pas forcément imitation.

-         Le procédé dit de canon est un type particulier d’imitation, qui se caractérise par un décalage rythmique systématique = procédé en musique classique de la fugue.

 

3/ Ex. musical :

Cf. voir l’animation de Marc Chemillier, à l’adresse web suivante :

http://www.crem-cnrs.fr/realisations_multimedia/index.php

dans CLÉS D’ÉCOUTE : cliquer sur « Les mélodies jumelles de la harpe ».

= Musiques des anciennes cours Bandia : Jeu de harpes

 

Cliquer tour à tour sur une voix (bleue en haut), puis l’autre (rouge en bas), puis les deux (cercle rouge et bleu à droite).

(R. Profitez-en aussi pour vous balader sur les différentes clés d’écoute du site).

 

=  Formules de harpes jouées en ostinato : = bref motif cyclique, qui constitue un soubassement mélodico-rythmique sur lequel se pose le chanteur.

 

Ici, formule construite sur 1 cycle de 10 tps :

Subdivisé de façon ternaire.

 

L’instrumentiste exécute une première partie aiguë d’une main,

et la reprise en canon transposée dans les graves de cette même partie de l’autre main :

Canon basé sur un décalage de 2 tps (cf. la partie grave commence avec 2 tps de retard).

 

Toutefois, si l’on y regarde de plus près, les deux mains ne jouent pas tout à fait la même partie,

car la partie grave est une transposition de la partie aigue dans le cadre d’une échelle pentatonique irrégulière (cf. harpe qui n’a que 5 cordes jouées à vide).

Echelle Si Réb Mib Fa Lab = triton + tierce mineure (la portée correspondant aux 5 cordes de la harpe).

 

à Mib du registre aigu (main droite) correspond donc Si dans le registre grave (main gauche) = Tierce majeure

à Fa du registre aigu correspond Réb = Tierce majeure

Mais à Lab du registre aigu correspond Mib = Quarte

 

Donc, la transposition ne peut être strictement parallèle : = transposition, non pas tonale, mais modale

D’où, quand la partie aigue fait une montée Mib Fa Lab (ton + tierce min) / la partie grave fait par exemple Si Réb Mib = ton + ton, etc.

 

= Outre ces contraintes liées à l’instrument et son échelle, l’intention est cependant clairement celle d’un canon :

 

À défaut d’une stricte identité mélodique, l’identité du dessin mélodique global est nettement visible, et aussi audible, lorsqu’on essaie d’écouter chaque voix indépendamment de l’autre.

Cf. Plus aisément perceptible lorsqu’une série de notes répétées ds les aigus sont reprises en écho ds les graves…

 

 

= procédé polyphonique qui relève ici de 3 principes  :

- quasi-parallélisme (non strict) entre graves / aigus : harmonisés à la tierce et quarte.

- procédé de canon (imitation avec décalage rythmique systématique)

- mélodie chantée sur ostinato de harpe

 

C’est donc l’intention d’imitation en canon qui génère ici le procédé de transposition des aigus dans les graves. En découle, du point de vue du résultat global, une mélodie chantée sur ostinato polyphonique (à deux voix), homorythmique (sur l’axe vertical, les deux voix effectuent le même rythme), par mouvements mélodiques divergents (i.e. non parallèles sur le plan du résultat).

Pour être précis, notons qu’il y a ici affirmation d’une voix principale (celle du chanteur), et non égalité des parties comme c’est le cas dans le “contrepoint”, au sens fort du terme.

Peut-être vaut-il donc mieux parler en ce cas de “rapport contrapuntique” entre voix chantée et ostinato ?

 

Il faut donc hiérarchiser les données :     - Procédés de base

                                                                  - Résultat global qui en découle.

Ainsi, les procédés polyphoniques se caractérisent rarement par un terme unique.

 

 

• Autre type de procédé de superposition qui découle aussi d’un décalage sur l’axe temporel, mais où s’adjoignent souvent aussi des variations mélodiques entre les parties :

l’hétérophonie.

 

Le principe est que tout le monde est supposé exécuter la même chose (discours musical sous-jacent conçu par les gens comme unique, ou au moins « équivalent »), mais chacun le réalise un peu différemment :

- rythmiquement (jamais une homorythmie parfaite)

- et/ou mélodiquement (par de petites variations mélodiques individuelles)

 

= cas fréquent dans les musiques où est développé un discours soliste, mais accompagné par un instrument : l’instrument joue la même partie, mais pas de façon strictement identique, avec de petites variations

cf. on a vu que ce cas est fréquent dans le monde arabo-musulman, où domine une esthétique monodique ou monophonique liée à la modalité et au dvp d’un discours soliste.

4/ Ex. musical : Syrie, invocation soufie (confrérie Qadiriyya) par l’ensemble Al-Kindi & Sheikh Habboush : hétérophonie entre le chant et la cithare qanun.

 

Ex. où le principe est appliqué à l’extrême :

5/ Ex. musical : Chant de lignage des Peuls Wodaabe du Niger :

 

Variations rythmiques (entre autres par décalages temporels : entrées successives tuilées, non régulières) + variations mélodiques.

Mais la partie musicale de chacun est jugée comme identique, ou au moins équivalente : les Peuls disent que « tout le monde fait la même chose, mais chacun avec ses propres phrases ».

 

Le résultat global est ici une forme contrapuntique (< contrepoint), mais qui découle d’un procédé d’hétérophonie.

 

Déf. courante de l’hétérophonie : « Exécution simultanée, mais quelque peu variée, d’une même référence mélodique, par deux ou plusieurs sources sonores (voix et/ou instr) ».

 

= déf. à mon avis problématique, car elle sous-entend l’existence d’une « référence unique » matérialisable :

or, dans le cas présent, les gens sont d’accords pour reconnaître une équivalence entre les phrases de chacun, mais lorsqu’on leur demande quelle est l’identité commune de ces phrases, i.e. quel est, finalement le modèle qui sous-tend la diversité de réalisation de ces phrases (cf. c’est quoi la phrase-type de leur chant ?), il s’avère que personne ne la réalise exactement de la même manière :

Comme ils disent, « tout le monde fait la même chose, mais chacun avec ses propres phrases ». 

= chacun a finalement de ces chants une image mentale qui lui est propre : à chacun sa propre version du chant… 

 

Pour chaque cas, un travail d’enquête approfondi est donc nécessaire pour comprendre quel est vraiment le modèle mental de référence à partir duquel chacun varie :

- s’agit-il d’une phrase unique faisant office de modèle concret, matérialisable, que l’on apprend à varier = simple épure (sorte de squelette que chacun enrichit à sa manière) ?

- ou plutôt de structures ou de règles que les gens ont assimilées (un peu à la façon d’une grille harmonico-rythmique de jazz), de façon souvent implicite, non formulée ?

= questions qui touchent au problème de la variation et de l’improvisation.

 

Mais peut-être faut-il du coup plutôt retenir la déf. que Pierre Boulez propose de l’hétérophonie :

« Superposition à une structure première de la même structure changée d’aspects » (cf. Boulez met ici l’accent sur l’idée qu’on ne pense plus un modèle musical concret, mais une « structure »).

 

Hétérophonie = catégorie que l’on pourrait dire intermédiaire entre la monophonie et un principe plurilinéaire, mais qu’il faut certainement penser en termes de continuum :

l’exemple du monde-arabo musulman relève en effet d’une conception plus proche de la monophonie ≠ l’exemple des Peuls Wodaabe systématise tellement le procédé d’hétérophonie que l’esthétique développée, du point de vue une fois encore du résultat, relève d’une polyphonie à part entière.

 

 

Indique quoi qu’il en soit une certaine indifférence à la recherche d’unisson parfait :

effet d’unité pas primordial, même si le discours musical tenu par chaque voix est considéré comme identique ou équivalent.

L’unisson parfait serait en fait ressenti comme un appauvrissement.

 

 

Cf. autre déf. de l’hétérophonie, qui tente de définir le type d’intention musicale à l’origine de cette forme :

 

- « l’hétérophonie est la coexistence de plusieurs émissions sonores semblables (je dirai plutôt : jugées comme équivalentes) qui ne cherchent pas à être ensemble, mais plutôt à affirmer leur individualité ». (Jean-Michel Beaudet)

On va se décaler et varier les uns par rapport aux autres pour se distinguer :

= logique plutôt individualiste : surtout, ne pas être ensemble…

 

- Mais peut procéder aussi d’une intention collective (≠ individualiste) : créer un halo, un effet de profusion sonore.

Cas de cet exemple musical des Peuls Wodaabe : l’intention esthétique est de chanter le plus lentement possible pour obtenir un effet de déferlement des voix, de cascade : donner le sentiment du nombre, à l’image de la vitalité du groupe.

Cf. les chanteurs ne sont ici que quatre !

 

Donc à étudier au cas par cas.

 

L’hétérophonie est en tout cas un procédé de superposition qui relève ici encore d’une conception plutôt linéaire, de type horizontal :

on se démarque légèrement par rapport à ce que vient de faire son voisin :

c’est donc dans le déroulement temporel que cela se négocie, de façon interactive.

 

Ce qui crée, du point de vue vertical, des effets polyphoniques sans cesse renouvelés (dans le cadre toutefois d’une même échelle = modal).

D’où, jamais deux interprétations identiques d’une même pièce :

chaque interprétation change en fonction de l’identité des individus mis en présence.

 

 

• Continuons avec les procédés qui relèvent d’une non-coïncidence sur l’axe temporel, avec ce qu’on appelle la mélodie sur ostinato.

Ostinato = bref motif mélodique et/ou rythmique, repris de façon cyclique = en boucle (variée ou non).

 

Parfois, c’est un seul ostinato qui soutient le développement d’une mélodie principale.

= base stable cyclique qui permet au soliste de développer des variations.

 

Mais parfois, l’ostinato est développé par plusieurs voix :

 

6/ Ex. musical : les Wagogo de Tanzanie

 

Grand idiophone à lamelles pincées : à 40 lames métalliques, sur caisse de résonance rectangulaire : dit ilimba = l’un des plus grands d’Afrique.

+ 2 vièles.

+ 1 hochet et le chant soliste.

 

Prélude non mesuré où le soliste énonce l’échelle pentatonique anhémitonique : La Sol Mi Ré Do (+ notes de passage « pyens » ds le chant)

 

Entrées successives : lamello (joue l’intro) / vièle grave, puis vièle aiguë.

 

Lamello : ostinato aigu + pédale basse (à la blanche) : jeu polyphonique en contrepoint (= joue deux parties différentes, mélodiquement et rythmiquement).

 

+ 2 vièles à deux cordes, accordées à la tierce : ostinato joué de façon homorythmique, mais harmonisé à la tierce.

 

Partie aiguë du lamellophone presque à l’unisson avec la vièle aiguë.

 

+ hochet qui donne la pulsation (cycle en 4 tps) : / noire noire croche croche croche demi-soupir /

 

Chant avec variation :   en levée par rapport à l’ostinato.

et phrases chantées de carrure variable.

 

Accélération du tempo à la fin. Et finale en voix de gorge : imite le timbre des vièles ?

 

= chant sur ostinato harmonisé (à la tierce), les parties de l’ostinato s’enlaçant en contrepoint.

Mais affirmation d’un chant principal : donc pas encore du contrepoint à proprement parler.

 

 

 

• 7/ Congo, enregistrement de 1952-57 (High Tracey) : société des Kanyok.

 

Partie instrumentale = superposition d’ostinati mélodiques et rythmiques non homorythmiques : = polyrythmie.

 

= principe de l’entrée décalée, non simultanée, qui permet à l’ensemble de se mettre en place sans décompte de mesure :

1.     2 xylophones : grave et aigu, qui tressent un contrepoint

2.     Tambour qui joue un ostinato

3.     Tambour qui donne la pulse.

4.     3ème tambour en contrepoint rythmique par rapport au 1er

5.     Tambour soliste qui varie

7. Chanteur soliste (pfs à la limite du parler-chanter)

 

Ici encore, affirmation d’un chanteur soliste (d’une voix principale).

= chant sur ostinati mélodiques et rythmiques en contrepoint

(mouvements mélodiques et rythmiques divergents = véritable imbrication, entrelacement des parties).

 

R. L’article distribué définit la polyrythmie comme relevant « d’instruments qui ne procèdent pas d’une quelconque organisation scalaire ». Ceci dit, le critère de la mélodie des timbres (donnés par les différents types de frappe sur les tambours) n’est pas négligeable. Ici, instruments mélodiques et rythmiques se mêlent d’ailleurs pour former une polyrythmie non dépourvue de jeu sur les hauteurs…

 

• Autre forme d’imbrication de parties différentes, mais où domine quand même une voix principale :

= le contre-chant (vocal ou instr.)

8/ Ex. musical : Madagascar, pays Antandroy

Chant funéraire

Sorte de longue ballade, avec passages en parlando, exécutée par des chanteurs professionnels (mpibeko), spécialisés ds le genre de la veillée funéraire (beko).

Retracent la vie et la généalogie du défunt. Pièces qui peuvent durer des heures.

 

Un chanteur soliste, accompagné ici par un chœur (formé de deux voix) qui exécute un contre-chant quasiment à l’unisson :

mouvements mélodiques divergents (non parallèles), qui ne coïncident pas toujours rythmiquement avec ce que fait le chanteur soliste (= non homorythmique).

 

Le chœur construit en fait une ligne harmonique dans les graves, sur laquelle vient se poser le soliste, mais cette ligne s’affirme le plus souvent en « contrepoint » du chant principal, comme une sorte de jeu de répons continu qui relance le chanteur soliste.

Nous sommes donc là encore dans une pensée plutôt horizontale, au sens où les deux parties s’inter-ajustent in situ, au fil du déroulement temporel, le chanteur développant sa partie en fonction de la base donnée par le chœur, cette base étant elle-même susceptible de variations et d’ajustements rythmiques en situation.

 

Cf. Pas de carrure rythmique préétablie (extensible en fonction du texte),

mais le parcours harmonique du chœur est néanmoins cyclique, avec variations.

 

Variations du soliste sur la même échelle (heptatonique diatonique. Cf. 2 demi-tons). Mouvement globalement descendant.

 

Se retrouvent en parlando sur la fondamentale : mais le soliste intervient en levée quand ses accompagnateurs achèvent leur cycle (sur le sol).

 

 = improvisation sur un contre-chant donné par 2 chanteurs.

Cf. L’affirmation d’un chant principal est ici sous-entendue par le terme même de contre-chant. Il n’y a donc pas égalité des parties : donc pas de contrepoint à proprement parler.

 

 

• On monte encore d’un cran dans le contrepoint :

9/ Ex. musical : Pygmées Aka de Centrafrique, chant funéraire :

Chant de déploration autour du défunt.

 

Trois registres : basse grave (des hommes), médian et aigu (des hommes et femmes).

 

Totalement cyclique (8 tps ?) :

période métrique toujours identique, mais les chanteurs tuilent progressivement les points de reprises, si bien que le cycle se trouve estompé pour donner l’impression d’un relais ininterrompu, sans début ni fin.

= forme de contrepoint par extension du principe de tuilage.

 

D’après S. Arom, chaque personne dispose pour chaque pièce d’un stock de formules variées, forgées à partir d’un modèle : = phrase entonnée par le premier chanteur, et qui caractérise le chant (sorte de cantus firmus comme dans l’Ars nova du Moyen Age occidental).

 

Les différents chanteurs vont donc exécuter leurs variantes dans l’un des 3 registres de voix qui leur convient :

puis ils écoutent simultanément ce que fait chacun pour s’émanciper en enrichissant progressivement leur jeu de variations :

par transpositions, permutations (= échanger), commutations (= substituer, et non pas échanger), décalages rythmiques, etc…

 

= le chant se construit ainsi et se complexifie au fur et à mesure, selon un principe d’interaction entre participants, qui se joue ici aussi en situation.

Donc jamais deux fois la même exécution… 

 

D’après Arom, les Pygmées ne supportent pas l’unisson :

dès que leur voix fusionne avec quelqu’un par coïncidence, ils s’en éloignent par l’introduction d’une nouvelle variante.

 

Mais il y aurait tjs des points de jonction à l’intérieur de la période :

quinte, octave, qui permettent ensuite un acheminement vers des dissonances passagères.

 

= Véritable contrepoint : au sens de « totale égalité entre les parties » (pas de mélodie principale).

 

R1. Ce n’est pas un canon, puisque personne ne chante exactement la même chose et que le décalage entre les voix n’est pas tjs identique, systématique : l’intention est bien ici de varier à partir d’un même modèle, pour créer un ensemble dense, et non d’imiter.

 

R2. On pourrait parler ici d’hétérophonie, comme je l’ai fait pour les Peuls, puisque les variations sont forgées sur un même modèle, et que la référence mentale de chacun semble être ici la même.

La question est donc : les Pygmées considèrent-ils qu’ils chantent des parties différentes, ou qu’ils chantent différemment des parties qu’ils jugent équivalentes ?

Autrement dit, l’intention qui domine est-elle, à partir de variations d’un même modèle, de créer un entrelacement si dense qu’il engendre un effet contrapuntique très marqué, ou au contraire de faire entendre de façon légèrement différente, individualisée, un même discours musical ?

 

Seul indice pour répondre à cette question : le fait que les Pygmées attribuent des appellations distinctes aux parties qu’ils chantent…

 

Quoi qu’il en soit, et comme dans le cas des Wodaabe, le résultat esthétique qui l’emporte ici n’est pas l’hétérophonie, au sens d’un cheminement unique légèrement étoffé de variations :

c’est bel et bien le contrepoint qui domine du point de vue du résultat.

 

Hétérophonie, et contrepoint forgé à partir de variations d’un même modèle musical, sont donc peut-être à envisager sur le plan formel comme un continuum, l’un pouvant générer l’autre et réciproquement,

la différence se situant finalement au niveau de l’intention esthétique poursuivie par les gens :

à savoir, un discours unique étoffé d’effets polyphoniques ou un écheveau dense de voix considérées comme ayant une identité propre, autonome ?

 

Dans ce type d’ensemble, il faut donc avant tout s’interroger sur la façon dont sont nommées localement les parties vocales ou instrumentales : i.e. ont-elles des appellations distinctes ou les gens considèrent-ils qu’ils font sensiblement la même chose ?

 

 

10/ Ex. musical : Les Dorzé d’Éthiopie

Chanté par les hommes lors du passage de certains au rang de dignitaires.

= Rite de passage.

 

Ici, on monte encore d’un cran dans le contrepoint :

Six parties qui chantent chacune une période musicale très courte, présentée comme différente, mélodiquement et rythmiquement (d’après la description qui en est donnée dans la notice du CD, il ne s’agirait pas de variations d’un même modèle) :

-un chœur qui chante le texte principal

-plusieurs solistes différents, qui font des répons variées au chœur, et l’enlacent progressivement jusqu’à créer un tressage de voix très dense.

-et des “voix libres”, ad lib, qui se surimposent aux autres en improvisant in situ, en interaction avec les différents solistes.

+ frappements de mains.

 

= Cycle de 6 tps. + Accelerando

 

Le tout s’imbrique en créant une véritable mosaïque sonore où on ne perçoit pas réellement de discours principal

= entrelacement de voix qui jouent toutes un rôle égal, et s’affirment ds leur interdépendance

= elles se positionnent les unes par rapport aux autres sur l’axe temporel,

d’abord de façon plutôt responsoriale, puis en se tuilant de plus en plus, de sorte que la notion même du cycle initial finit ici encore par être estompée (on ne sait plus où sont le début et la fin du cycle).

 

= Polyphonie en contrepoint, par excellence.

 

 

• Le contrepoint peut bien sûr être également instrumental :

11/ Ex. musical : consulter le site web du gamelan mécanique de Kathy Basset : Java et Bali :

http://www.cite-musique.fr/gamelan/

en cliquant sur les rosaces, vous avez accès à différents types de transcription (circulaires et en colonne). Vous pouvez cliquer sur les instruments pour les supprimer un à un et entendre ce que joue chaque partie.

(R. Pour consulter le site, il peut être nécessaire de télécharger « shockwave »).

 

Chaque catégorie d’instruments au sein d’un gamelan est destinée à une fonction immuable :

soit mélodique (claviers en métal), soit de soutien rythmique (tambours), soit de ponctuation (dite colotomie des gongs).

 

3 types de clavier :

Les claviers en général en métal (métallophones), de tessiture médium, jouent la mélodie directrice (à la noire), sorte de cantus firmus,

tandis que les claviers de tessiture aigue donnent les ornements en contrepoint rapide (croches et doubles-croches),

et les basses frappent les degrés principaux de la mélodie (à la blanche ou la ronde).

 

+ Gongs isolés, suspendus sur portique ou couchés, déterminent la structure du morceau en ponctuant les cycles qui la composent : début du cycle, quart, demie, 3/4) : ex. tous les 8 temps, etc.

 

= principe systématique de subdivision binaire, avec un jeu plus ou moins syncopé selon les genres musicaux.

 

= procédé d’imbrication des parties, sur le plan aussi bien mélodique que rythmique, qui forme une polyphonie en contrepoint (ou contrapuntique).

 

R. Dans l’article distribué, les polyphonies instrumentales balinaises sont considérées comme de l’hétérophonie,

dans la mesure où variations, ornementations et monnayages rythmiques  (= densification rythmique par subdivision) renvoient à une référence musicale unique, sorte de cantus firmus joué dans le registre médian (= chant principal sous-jacent à toutes les parties).

Mais comme dans l’exemple ci-dessus des Pygmées Aka, chaque partie est, à Bali, identifiée par une appellation distincte.

Et je ne crois pas que les Balinais considèrent que ces parties soient semblables.

 

Il y aurait donc une étude plus fine à mener sur l’intention esthétique qui les anime et sur la façon dont ils pensent leur musique. 

Quoi qu’il en soit, le résultat sonore évoque plus du contrepoint que de l’hétérophonie.

 

C’est dire à quel point ces catégories terminologiques ne sont que des outils de départ pour tenter de décrire plus avant un procédé musical. Vouloir figer un procédé sous une appellation unique semble relever d’une conception bien restrictive de la musique…

 

 

 

• Le contrepoint est parfois associé à la technique de hoquet :

contrepoint en hoquet : distribution d’une mélodie entre différentes parties, chacune n’exécutant qu’une seule hauteur.

Cf. Principe sous-jacent = Mélodie unique, distribuée entre les participants.

 

Procédé fréquent lorsqu’on a affaire à des ensembles instrumentaux dont chacun ne peut produire qu’une seule hauteur.

 

Ex. orchestres de trompes ou de flûtes : tuyaux de longueurs différentes, chacun ne produisant qu’une seule hauteur, différente des autres.

Un instrument par personne.

 

Mais procédé qui peut aussi être reproduit à la voix.

 

Comme chaque participant exécute le plus souvent un bref motif rythmique, qu’il reprend de façon cyclique, l’ensemble des motifs joués par les participants va finalement produire un entrelacement, qui forme contrepoint.

 

En ce sens, le hoquet est donc un procédé susceptible de générer du contrepoint. Ce qui en fait une catégorie parmi d’autres de contrepoint, dite « contrepoint selon le procédé de hoquet », et non une catégorie en soi, comme proposé dans l’article distribué.

 

D’ailleurs, le hoquet, en soi, ne génère pas toujours d’effets polyphoniques :

il peut tout à fait demeurer monodique, sous la forme d’une simple succession de hauteurs réparties entre plusieurs personnes.

 

12 et 13/ Ex. musicaux : Banda Linda de Centrafrique (version instrumentale et reprise de la même pièce à la voix).

 

 

 

IIè partie — Procédés de superposition où des parties différentes s’agencent les unes par rapport aux autres, non plus sur un axe horizontal, temporel,

mais de façon plutôt verticale (axe de la simultanéité) :

= procédés polyphoniques qui privilégient une pensée avant tout verticale, harmonique. 

 

 

• La mélodie sur bourdon

bourdon = ligne tenue, recto-tono (sur une seule hauteur)

 

Différents types de bourdon :

continus ou discontinus, entrecoupés de silences réguliers, ou sporadiques (non réguliers), pfs aussi étagés… 

 

 

14/ Ex. musical : Albanie

2 voix solistes qui alternent sur un bourdon tenu par un chœur masculin.

 

= Aire culturelle où le bourdon découle sûrement de ce qu’on appelait à l’époque byzantine « l’ison » (cf. l’ison existe tjs ds les chants liturgiques de l’église orthodoxe et dans de nombreuses musiques populaires d’Asie Centrale).

 

Il fait office de référence harmonique pour les chanteurs solistes (puisque souvent joué sur la fondamentale).

 

On peut parler ici de forme élémentaire d’étagement sur l’axe vertical,

dans la mesure où la voix principale ne s’élabore pas par rapport à l’axe temporel (volonté de se positionner en situation par rapport à une autre voix), mais pense plutôt ici les intervalles harmoniques qui découlent du rapport entre cette note tenue et le cheminement varié qu’elle développe. 

 

 

• Autre procédé de superposition qui privilégie une harmonisation verticale des voix :

la polyphonie par mouvements parallèles = implique une homorythmie des parties :

toutes font le même rythme, mais les voix sont étagées selon un intervalle constant :

le plus souvent de tierce, quarte, ou quinte.

 

On privilégie donc la coïncidence rythmique pour faire entendre, sur l’axe vertical, l’étagement des voix.

 

R. la catégorie d’homorythmie de l’article est là aussi contestable,

car l’homorythmie pourrait tout aussi bien désigner un orchestre de percussions jouant à l’unisson (ex. tambours royaux du Burundi) : 

l’homorythmie n’est donc pas un procédé polyphonique en soi, mais bien plutôt une caractéristique rythmique des procédés polyphoniques qui privilégient une pensée verticale.

 

Mieux vaut donc parler plus précisément de polyphonie par mouvements parallèles ou divergents, l’homorythmie étant finalement induite par ces 2 termes :

-         si pas d’homorythmie, pas de parallélisme possible (comme le montrait bien le cas étudié de canon, où le décalage rythmique supprime le principe de parallélisme entretenu entre les deux voix),

-         quant aux mouvements divergents, mais non homorythmiques, ils relèvent du « contrepoint » !

 

Ainsi, l’homorythmie implique le plus souvent une plus grande fixité de la forme musicale. Il s’avère en effet relativement impossible de jouer à l’unisson rythmique sans que la forme musicale ne soit déjà pré-établie. 

Jouer avec l’autre, que ce soit de façon variée à partir d’une base commune, ou mieux, de façon strictement improvisée, revient donc toujours à privilégier l’entrelacement rythmique (ou « cross-rhythms », comme disent les anglo-saxons).

Sans doute est-ce qui explique que l’émergence d’une pensée verticale en Occident se soit soldée par l’éviction de toute forme d’improvisation,

tandis même que la plupart des aires musicales où dominent les principes de variation et d’improvisation n’ont pu pour leur part développer de formes harmoniques verticales complexes.

 

La fixité des formes serait donc une caractéristique fondamentale d’une pensée musicale strictement verticale.

 

 

15/ Ex. musical : Baoulés de Côte d’Ivoire

Exercice : identifier l’intervalle entre les voix.

 

Chant antiphonal : choeur de femmes, alternant avec duo de deux fillettes. Reprise à l’identique (et non pas un répons).

 

+ Soliste qui fait des variations ds le choeur de femmes.

+ Râcleur (bâtonnet denté).

 

= Polyphonie par mvts parallèles – à la tierce mineure - (pour les 2 chœurs).

 

 

• Dernier procédé : polyphonie par mvts divergents (obliques ou contraires ≠ jamais uniquement parallèles) :

Procédé qui implique donc l’homorythmie.

 

• 16/ Ex. musical : Itcha (sous-groupe yoruba) du Bénin).

Musique de rituel.

Cf. se référer à la partoch de cette pièce déjà distribuée pour le cours sur les rythmes non mesurés.

 

Partie chorale du chant (2ème partie, à 1’56) = polyphonie à deux voix, par mvts divergents (sur le plan mélodique), avec homorythmie : 

contrairement à l’exemple précédent, la voix principale et les voix graves qui la soutiennent suivent des cheminements mélodiques différents, mais suivant un même rythme. 

 

Le fait même que les mouvements soient divergents (cf. intervalles de tierces, quartes, quintes, sixtes, octaves) révèle qu’il y a ici une recherche de combinaisons harmoniques successives différentes :

Donc une pensée à l’évidence verticale, étagée, au détriment de l’axe horizontal, et du coup, de la complexité rythmique.

 

 

On est cependant ici dans une pensée modale (≠ tonale) :

En mode heptatonique de Do : Do Ré Mi Fa Sol La Si Do

Pas de modulation en vertu de règles verticales de tonalité, qui induiraient des altérations ponctuelles ou des changements de mode.  

On reste d’un bout à l’autre dans la même échelle.

 

À noter qu’il s’agit bien d’une forme fixe, pré-établie (sans quoi, les chanteurs ne pourraient chanter ainsi sur le même rythme, et ne pourraient s’harmoniser que de façon ponctuelle, sur des notes tenues, non de façon durable, d’un bout à l’autre de la pièce, comme c’est le cas ici).

 

 

Avec ce type de procédés polyphoniques verticaux, nous sommes finalement en présence d’une esthétique qui révèle un autre mode d’être ensemble, où l’on se coule dans une même respiration.

La différenciation des parcours n’est pas individualisée au même degré que dans le contrepoint (homorythmie oblige), dans la mesure où il ne s’agit pas de chercher à se distinguer des autres, d’émerger à titre individuel. Les différences de parcours doivent au contraire ici se combiner et se compléter de sorte à donner l’impression de n’émettre qu’une seule voix, riche sur le plan harmonique.

 

 

 

• 17/ Ex. musical : Polyphonie de Sardaigne (Italie).

 

Voir aussi l’animation de Bernard Lortat-Jacob : La quintina, à l’adresse suivante, dans clés d’écoute :

http://www.crem-cnrs.fr/realisations_multimedia/index.php

Aller dans « écoute et transcription », faire jouer la musique, puis cliquer dans la clé de sol du haut pour entendre la quintina seule ou avec le chœur.

Lorsque vous êtes sur play, vous pouvez également cliquer sur le volet du sonagramme à droite, et gommer la quintina pour entendre la différence, avec ou sans.

 

Polyphonie d’accords à 4 voix : chœurs de la Semaine Sainte.

strictement homorythmiques (sauf sur les débuts où la voix grave lead anticipe).

 

= 4 registres de voix :

du grave à l’aigu : bassu, contra, bogi et falzittu. 

Les règles tonales ne sont pas forcément académiques par rapport à la tradition écrite occidentale,

mais on n’est plus ici dans une pensée modale, au sein de laquelle les rapports harmoniques resteraient dans le cadre d’une même échelle. 

Ici, pas une seule échelle : cela module clairement selon des règles harmoniques tonales, donc verticales. 

 

En outre, les chanteurs s’accordent de sorte que leurs harmoniques se combinent et se renforcent les uns les autres pour produire une voix fusionnelle : une octave au-dessus de la voix bogi.

= Voix virtuelle, qui n’est chantée par personne, née de la fusion des harmoniques.  Mais étrangement, elle se comporte comme un son fondamental, puisqu’elle génère ses propres harmoniques !

 

Cette voix est perçue par les chanteurs comme la voix de la Madonne : la vierge.

Influence évidente de la liturgie chrétienne.

 

= esthétique qui joue principalement sur les différentes couleurs harmoniques des accords.

Pour ce type de polyphonies à plusieurs voix, certains parlent d’ailleurs plus simplement de “polyphonie harmonique” ou de “polyphonie d’accords”.

(L’article propose le terme d’homophonie, mais ambigu, car ds certains écrits, le terme est parfois confondu avec la monophonie).

 

Dans le cas présent, la polyphonie a même une dimension véritablement spectrale (cf. jeu dur les composantes harmoniques du spectre sonore).

 

Procédé peu répandu en Afrique :

= très répandu dans les musiques de tradition orale de l’Europe méditerranéenne = influence de l’aire culturelle chrétienne

(cf. chants corses, sardes, géorgiens, albanais, etc.…)

 

Au point que lorsqu’on le rencontre en Afrique, on peut se demander s’il n’y a pas eu influence des chants d’Église : cf. régions christianisées de la côte africaine.

Par exemple très net dans les polyphonies zulu d’Afrique du Sud.

 

 

-----------------------

 

 

Un mot de conclusion sur la dimension artificielle des catégories :

 

- elles ont une réalité en tant que catégories intellectuelles (c’est dans la nature de l’être humain d’ordonner de façon typologique et de classer ce qui l’entoure : cf. dans le cas des polyphonies, ces catégories nous viennent directement de la musicologie occidentale).

 

 

- Mais ont-elles une réalité substantielle ?

Au sens : s’agit-il de catégories universelles pré-existant dans l’esprit humain lorsqu’il crée des procédés polyphoniques ?

Ou seulement de catégories scientifiques établies a posteriori pour caractériser les procédés musicaux ?

 

L’article ne soulève pas cette question,

mais la façon même dont il pose les données (en prenant des exemples de procédés polyphoniques du monde entier, et en cherchant à les classer sans s’interroger sur leur genèse) indique que l’on est dans un courant de pensée qui se réclame de la linguistique structurale,

et qui cherche donc à établir quels sont les universaux de la musique.

 

On retrouve donc ici, une fois encore, la question des universaux posée par le structuralisme.

 

On peut en effet (ce que j’ai plus ou moins essayé de faire avec le peu d’infos dont on dispose) envisager ces catégories sous un tout autre angle :

 

sous l’angle de leur genèse :

 

Comment dans une société donnée un procédé musical — en l’occurrence polyphonique — en génère-t-il progressivement un autre ?

Et comment, au gré des contacts entre société, passe-t-on des formes les plus hétérogènes à des formes se modelant les unes les autres pour se stabiliser ponctuellement, avant de diverger de nouveau ?

 

Approche qui prend en compte la variation continue : le continuum des catégories entre elles, dans le temps comme dans l’espace, au gré des contacts humains (= procédés évolutifs ds le tps, et qui peuvent aussi se diffuser d’une population à l’autre par contact…) :

 

Il n’y aurait donc, selon cette approche, que des cas particuliers, que l’on peut éventuellement classer dans l’une ou l’autre catégorie a posteriori… 

= revient à aborder les choses sous l’angle de leur existence historique et dynamique, et donc, non définie par avance,

 

≠ et non pas d’un point de vue essentialiste, qui pose la notion de catégorie comme une sorte de moule préalable, comme un ensemble clos qui serait censé préexister à toute création polyphonique.

 

= question qui traverse la totalité des sciences, y compris les sciences dures, dites « exactes » :

 

pour réflexion, texte à lire qui pose en termes différents la même problématique, mais dans le cadre de la biologie.

 

 

Extrait de Jean-Jacques Kupiec & Pierre Sonigo, Ni Dieu, ni gène. Pour une autre théorie de l’hérédité, éd. du seuil, coll. Points Sciences, Paris, 2000, pp. 45-57.

 

Cf. ci-dessous :

 

 

 

« Darwin a fait ce que Buffon, Lamarck ou aucun autre de ses précurseurs n’avaient fait. Il a rejeté sans ambiguïté la notion de spécificité au profit de la variation, érigée en propriété première des êtres vivants. C’est ce qui lui a permis d’élaborer la théorie de la sélection naturelle. Dès les premières lignes du premier chapitre de L’origine des espèces

(« Quand on compare les individus appartenant à la même variété, ou à la même sous-variété de nos plantes cultivées depuis le plus longtemps, et de nos animaux domestiques les plus anciens… » ),

Darwin porte son attention sur les individus, qu’il va comparer pour mettre en évidence leurs variations infinies. Pour lui, la seule réalité se situe à ce niveau. Dans les lignes qui suivent, il analyse les causes de cette variabilité.

Lorsque Darwin a produit sa théorie, les lois de l’hérédité et de la reproduction étaient encore très peu connues. Pour expliquer les variations individuelles, il fait appel à plusieurs mécanismes. L’influence directe du milieu par l’usage ou le non-usage des organes, comme Lamarck, mais également ce qu’il nomme la variabilité indéfinie ou flottante, c’est-à-dire aléatoire. Celle-ci préfigure, d’une certaine manière, ce qu’on appelle aujourd’hui une mutation. Darwin privilégie cette variabilité indéfinie, dont le résultat est la production de différences individuelles. Il met donc d’emblée l’accent sur la fragilité de la notion d’espèce. Celle-ci n’a pas reçu de définition satisfaisante mais on utilise malgré tout ce concept par commodité, sans en connaître le sens précis.

« Je ne discuterai pas non plus ici les différentes définitions que l’on a données du terme espèce. Aucune de ces définitions n’a complètement satisfait tous les naturalistes, et cependant chacun d’eux sait vaguement ce qu’il veut dire quand il parle d’une espèce. »

On le verra plus loin, son analyse le conduira à proposer une définition nouvelle de l’espèce, fondée sur la généalogie et la variation. Buffon parlait encore de prototype général sur lequel chaque individu est modelé et, pour Lamarck, il existait de grands types correspondant aux grandes classes de l’échelle des êtres. Chez Darwin, l’attention apportée aux différences conduit à reconnaître qu’il n’existe pas de parangon[1] correspondant à des caractères importants qui ne varieraient jamais.

« On peut donner le nom de différences individuelles aux différences nombreuses et légères qui se présentent chez les descendants des mêmes parents (…). Nul ne peut supposer que tous les individus de la même espèce soient coulés dans le même moule (…). Il est bon de se rappeler que les naturalistes à système aiment fort peu à admettre que les caractères importants peuvent varier. (…) Les auteurs tournent souvent dans un cercle vicieux, quand ils soutiennent que les organes importants ne varient jamais ; ces mêmes auteurs, en effet, et il faut dire que quelques uns l’ont franchement admis, ne considèrent comme importants que les organes qui ne varient pas. Il va sans dire que, si l’on raisonne ainsi, on ne pourra jamais citer d’exemples de la variation d’un organe important ; mais, si l’on se place à tout autre point de vue, on pourra certainement citer de nombreux exemples de ces variations. »

Dans ces dernières lignes, Darwin évoque deux points de vue théoriques opposés. Il y a, d’une part, l’opinion fixiste traditionnelle, qui, nous l’avons vu, relève de la tradition réaliste du Moyen-Âge, et, d’autre part, l’optique évolutionniste qui pointe les variations individuelles au détriment des espèces.

Notons au passage que c’est aussi ce que l’on appelle aujourd’hui un programme génétique qui est ici, à l’avance, remis en question. En effet, le programme génétique correspond à la notion de moule, héritée des conceptions ontogénétiques de Buffon et d’Aristote, supposée définir un plan d’organisation caractéristique de l’espèce ; et que reste-t-il de cette notion s’il y a autant de programmes que d’individus ? si tous les caractères et les organes peuvent varier ? Darwin nous dit ici qu’il n’existe pas deux individus coulés dans le même moule. C’est justement ce que n’arrivait pas à penser Buffon et ce sur quoi il a buté. Si l’on pousse jusqu’au bout la logique des ces lignes, on doit rompre avec les théories ontogénétiques reposant sur un principe donné a priori (moule, programme).

Continuant son analyse, Darwin en vient à étudier les espèces douteuses. Ce sont les cas où il est difficile de dire si l’on a affaire à une variété ou à une espèce véritable. Il en arrive à cette conclusion :

« On comprendra, d’après ces remarques, que, selon moi, on a, dans un but de commodité, appliqué arbitrairement le terme espèce à certains individus qui se ressemblent de très près, et que ce terme ne diffère pas essentiellement du terme variété, donné à des formes moins distinctes et plus variables. Il faut ajouter, d’ailleurs, que le terme variété, comparativement à de simples différences individuelles, est aussi appliqué arbitrairement dans un but de commodité. »

Finalement, la notion de spécificité est inquantifiable. (…)

La classification a cependant bien une signification.  Mais ce qu’elle reflète n’est pas l’expression statique de la création et du dessein divin. Ce qu’elle reflète, c’est le lien généalogique de tous les êtres vivants, donc l’évolution. L’espèce est pour Darwin un ensemble d’individus qui ont un ancêtre commun, sans référence à une identité de structure. La descendance s’accompagnant toujours de modifications, la ressemblance plus ou moins forte de deux individus est une conséquence d’un lien de parenté plus ou moins fort.

« Toutes les règles, toutes les difficultés, tous les moyens de classification qui précèdent, s’expliquent, à moins que je ne me trompe étrangement, en admettant que le système naturel a pour base la descendance avec modifications, et que les caractères regardés par les naturalistes comme indiquant des affinités réelles entre deux ou plusieurs espèces sont ceux qu’elles doivent par hérédité à un parent commun. Toute classification vraie est donc généalogique ; la communauté de descendance est le lien caché que les naturalistes ont, sans en avoir conscience, toujours recherché, sous prétexte de découvrir soit quelque plan inconnu de création, soit d’énoncer des propositions générales, ou de réunir des choses semblables et de séparer des choses différentes. »

Cette définition est reprise au chapitre final.

« Le système naturel est un arrangement généalogique, où les degrés de différence sont désignés par les termes variétés, espèces, genres, familles, etc. »

Il est important d’en bien mesurer le contenu. Répétant en biologie ce qu’Ockham avait fait cinq siècles auparavant pour la métaphysique, Darwin abandonne les entités idéales qui hantaient ses précurseurs, pour regarder les individus réels. Cette définition ne traduit plus une propriété immuable des espèces, telle que la possession d’une structure caractéristique (différence spécifique), (…) mais le mécanisme de l’évolution lui-même, c’est-à-dire la variation qui est à sa base. (…) L’espèce n’est pas une entité statique. Il s’agit d’un processus. Par cet abandon de la spécificité, Darwin a ouvert la possibilité d’une théorie biologique nouvelle, en rupture avec la métaphysique d’Aristote. (…)

La théorie de Darwin a connu un immense succès et a souffert d’un immense malentendu dans le “grand public”. La publication de l’origine des espèces a beaucoup moins propagé la théorie de la sélection naturelle, et encore moins l’arrière-fond théorique qui la soutient, que la thèse générale de l’évolution. (…)

La définition de l’espèce est la partie la plus mal comprise du darwinisme. Elle fut immédiatement refoulée, à peine avait-elle été formulée (…).

Avant même la fin du XIXè siècle, l’avènement de la génétique marqua un retour massif du réalisme de l’espèce. (…)

Ce retour au réalisme de l’espèce fut avant tout une décision métaphysique, et non une découverte expérimentale. À quoi pouvait nous servir une définition de groupes qui restent indéterminés dans la majorité des cas ?

 

 



[1] Parangon : modèle (Petit Robert).

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Ethno-musicologie (musique rythme et percussion)
  • La musique est monde qui est fait de découverte constante... En espérant que mes analyses sociologique et musicologique vous intéresserons. Celles-ci sont faite à but pédagogiques et artistiques. Bien à vous...
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